Ce que la crise va changer pour le monde de la finance


Comment l’industrie financière, qui a déjà détruit 120000 emplois, sortira-t-elle de la crise? Dans quel environnement travailleront les banquiers ces prochaines années? Telles sont les questions qui taraudent en ce moment les dirigeants de banque, qui, après avoir paré aux urgences de la crise, réfléchissent aux stratégies de demain. Synthèse des réflexions glanées auprès de leaders de la finance

Gestion de fortune: le retour

Après cinq ans durant lesquels les métiers ultradynamiques de banque d’affaires ont accaparé l’attention stratégique de toutes les banques qui pouvaient s’y lancer, c’est à présent la gestion de fortune qui redevient le métier phare. Une évolution positive pour la Suisse. Désormais, Brady Dougan, CEO de Credit Suisse, fait du private banking sa
priorité, même aux Etats-Unis. UBS opère un recentrage drastique sur ce métier. Et les banquiers privés suisses, comme Patrick Odier, observent d’importants afflux de clientèle en quête de refuge. Partout, des banquiers d’affaires se recyclent, par
centaines, dans des unités de gestion. Désormais, les compétences de banque d’affaires se mettent au service des unités de gestion privée, surtout en Asie.

Les fortunes émergentes

Sa fortune est déclarée, entrepreneuriale, il est jeune,
et avide de risque. Ce client de demain se trouve principalement en Asie. Les banques de gestion du monde s’organisent pour s’adapter à son profil et à ses préférences pour certains produits, comme les structurés sur actions, le négoce d’actions agressif, les
devises, l’immobilier privé et commercial. Désormais, les logiciels de produits financiers des banques, leurs back offices, et leurs capacités de structuration passent
au «siècle asiatique». Car en 2012, «l’Asie dépassera l’Europe comme marché de la gestion de fortune, avec des grandes fortunes pesant 13,9 milliards de dollars,
contre 13,5 milliards pour l’Europe», selon Philippe Theytaz, directeur de la stratégie chez SG Private Banking Singapour, de passage au Finance Summit qui s’est déroulé jeudi à Genève. 80% des fortunes en Asie émanent d’entrepreneurs de première génération, contre 25% en Europe! Avec la crise, ces investisseurs ont gagné en maturité, et sont plus réceptifs à la philosophie de gestion suisse: diversification, allocation d’actifs, «c’est un langage qu’ils comprennent mieux», note le stratège.

Protection des données

Les affaires récentes d’UBS et du fisc américain, de la banque liechtensteinoise LGT et du fisc allemand, ou de Julius Bär et du site internet américain, ont révélé combien les banques sont vulnérables à la divulgation d’informations sensibles. Ces événements font réfléchir: comment préserver la sécurité de l’information du client… et la réputation de l’établissement? Les banques réfléchissent à une surveillance accrue des points
d’accès à l’information stratégique. «Il faut s’assurer que n’importe qui ne peut pas y accéder, développer des outils de traçabilité permettant de retrouver l’historique
de ce qui a été transféré depuis un ordinateur, et prévoir un système d’alertes», souligne Stéphane Koch, spécialiste de la gestion stratégique de l’information et
fondateur d’Intelligenzia.net.

La fin du «non déclaré»

L’affaire UBS-Bradley Birkenfeld aux Etats-Unis l’a annoncé: la gestion offshore non déclarée, c’est du passé. Pour survivre, l’offshore devra emprunter des schémas et des structures légitimes. Exemple «l’expertise en délocalisations fiscales de résidents d’Europe», suggère Olivier Bizon, directeur exécutif de 1875 Finance. Dans cette expertise fiscale, souvent multi-juridictionnelle, les banques suisses implantées en Europe excellent.

Accès (excès?) réglementaire

«L’année 2008 a généré, à elle seule, un volume incroyable de réglementations en Suisse!» a observé Didier de Montmollin, associé de l’étude Secretan Troyanov, lors du Finance Summit. Sur le site internet de la Commission fédérale des banques, il constate une «fébrilité impressionnante»: interdiction des ventes à découvert, étoffement des règles contre les abus de marché et les conflits d’intérêts, exigences de fonds propres revues à la hausse… L’avocat met en garde contre la «tentation d’imprimer des kilos de papier», et contre la production automatique de règlements
standards, chez les banques, souvent peu pertinents, voire absurdes, quand la réflexion et le sens critique sont absents du processus. Pour Antoine Mérieux,
délégué général de l’Association d’économie financière à Paris, «une nouvelle couche de réglementation, si nécessaire soit-elle, ne peut constituer la seule réponse; l’expérience de Bâle II montre que chaque nouvelle règle suscite des tentatives de contournement allant à l’encontre de l’objectif recherché». Aux EtatsUnis, on se dirige vers d’importantes réformes. «La volonté du Trésor de réunir sous un seul toit la surveillance de tous les acteurs financiers, hedge funds, fonds de placement et sociétés financières est un plus», estime Mark Mobius, de Templeton A.M.

«Normes éthiques strictes»

La crise rend plus nécessaires que jamais les travaux des intellectuels réunis vendredi à Genève par l’Observatoire de la Finance. Le conflit d’intérêts, dans lequel se sont illustrés les distributeurs de produits structurés, «fait partie de la nature humaine, mais on peut le contrôler en rappelant aux acteurs qu’ils ont une responsabilité dépassant leur simple rôle économique, en leur demandant de suivre une charte éthique et
déontologique, à la manière des médecins», suggère Paul Dembinsky, directeur de ce centre de recherche genevois travaillant pour «une finance au service du bien commun». Antoine Mérieux plaide pour «des normes éthiques strictes», dépassant les simples «codes de bonne conduite – Bear Stearns en avait d’excellents».

La fin du culte du modèle

L’origine du capitalisme financier est aussi… universitaire! «La crise est à chercher du côté des Merton, Scholes et Prescott – autant de Nobel qui ont conçu les modèles à partir desquels les banques diversifient leurs risques», rappellent Stefano Zamagni,
professeur à l’Université de Bologne. Cette science, née dans les années 1950, a rapidement «énoncé un discours performatif, créant sa propre réalité avec les produits structurés, brouillant la notion même de risque», pointe Paul Dembinski. Leur invention a échappé aux pères fondateurs de la théorie financière. «Ceux-ci avaient tenté de découper l’incertitude en deux parties: le «risque», paramétrable à l’aide de probabilités; et «l’incertitude», que l’on ne peut diversifier», décrit l’universitaire genevois. Or, «dans cet engouement, on a oublié de relativiser la partie contrôlable». Une incertitude que la finance redécouvre aujourd’hui avec effroi.

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